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L’or à Tokyo 2020, Paris 2024 en ligne de mire, 2028 n’est pas si loin : interview croisée des entraîneurs nationaux (2/2)

L’or à Tokyo 2020, Paris 2024 en ligne de mire, 2028 n’est pas si loin : interview croisée des entraîneurs nationaux (2/2)

Pour eux, Tokyo 2020 c’est déjà demain : les trois entraîneurs nationaux expliquent comment ils préparent les échéances olympiques & paralympiques, toujours avec une longueur d’avance.

Tokyo, c’est demain ?

Nicolas Becker : On sait que les athlètes qui font des résultats au Jeux étaient capables d’être présents sur des podiums les saisons d’avant. Etre performant en 2018 est le meilleur moyen de l’être en 2020. Le système de qualifications impose d’être présent sur les Championnats d’Europe et du Monde avec des résultats dès que les Jeux sont passés : il faut accumuler des points pour conserver une possibilité d’avoir un dossard. Pour défendre un quota il faut donc être présent en 2018. Mais pour être présent en 2018, il faut l’être en 2017. C’est un système où il ne peut y avoir d’année blanche et où chaque saison pose les jalons de la suivante.

Sébastien Poulet : Le processus de sélection pour les JO commence en avril/mai 2018. II faut pouvoir être sur les épreuves de WTS et Coupes du Monde à partir de cette période, pour se donner une chance de se sélectionner en 2019. Pour être performant aux Jeux Olympiques en 2020, il faut consacrer cette année à se préparer. Il faut donc être sélectionné un an à l’avance, en 2019. Or, pour ce faire, il faut déjà être présent et performant en 2018. Et c’est déjà dans 6 mois !

Nicolas Becker : Bien évidemment, cela n’empêche pas les athlètes d’avoir une marge de progression, il n’est jamais trop tard pou faire une fin de préparation intéressante. Mais il faut pouvoir se donner la chance de défendre son quota et d’obtenir des dossards. Tout en progressant, il faut être présent à chaque étape du processus pour continuer à avancer vers l’objectif.

Sébastien Poulet : la dernière année avant les Jeux (2019) doit être celle où l’on valide les différentes options dans la gestion de la préparation, du voyage, du jet lag, de la chaleur, de la gestion logistique… mais aussi idéalement celle où l’on se sélectionne pour les JO. Cela ne nous laisse donc plus qu’une année où l’on peut se permettre de tester des choses, où l’on peut vraiment innover, quitte à se tromper, à faire des erreurs dans ces choix.

Stéphanie Deanaz : Oui, dans l’idéal, 2020 doit être l’année où les athlètes préparent leurs Jeux et non celle où ils courent après leur sélection. Il leur reste deux saisons pour élever leur niveau, pour appréhender tous les paramètres qu’ils vont devoir gérer à Tokyo et pour se sélectionner. Donc finalement, il reste très peu de temps.

Sébastien Poulet : Pour terminer la démonstration : comment se préparer pour les Jeux Olympiques en 2020, si l’objectif de 2020 est déjà de se sélectionner pour les Jeux ?

De l’or à Tokyo, comment on se prépare à un tel objectif ?

Stéphanie Deanaz : Les athlètes qui peuvent prétendre à la médaille, ce sont ceux qui sont au cœur du projet. Il faut un accompagnement de notre part, mais surtout de la confiance. Nous, entraîneurs nationaux, nous sommes facilitateurs de ce projet de la réalisation de cette médaille. Nous devons accompagner les athlètes et leurs entraîneurs, pour que ce soit plus facile pour eux. Ce sont eux qui font. Nous, nous sommes là pour les aider dans la conduite et la réalisation de leur projet.

Sébastien Poulet : Nous devons en effet leur offrir les meilleures conditions pour performer. Car un objectif aussi élevé repose sur un athlète. Il faut donc lui offrir le meilleur environnement possible pour sa préparation et son évolution.

Nicolas Becker : L’histoire peut être belle à Tokyo. Pour gagner l’or aux Jeux, il faudra gagner pas mal de fois avant. Le vainqueur d’une telle épreuve est rarement là par hasard, et c’est rarement une vraie surprise. Hormis quelques exception, et il y en a toujours, le Champion ou la Championne olympique a souvent dominé sa discipline les années d’avant. A Rio, nous avons vécu la magie d’une médaille, et nous avons eu de très beaux résultats sur le circuit cette année. Nous avons peu de candidats pour une médaille paralympique, mais ils sont bien accompagnés.

Si Tokyo c’est demain, Paris 2024 c’est quand ?

Nicolas Becker : Je serais tenté de dire que c’est après demain ! Dans la mesure où si on devait préparer uniquement Paris, on ne s’y prendrait pas autrement. Tous les ans, nous organisons des stages, des journées de détection, des formations, des compétitions et on essaye de progresser sur l’expertise de la discipline. Créer de la dynamique de performance pour Tokyo est une façon de préparer Paris. L’Equipe de France de paratriathlon peut connaître un certain nombre de roulement, avec des départs mais surtout l’arrivée de nouveaux et nouvelles athlètes. Tout est possible pour Paris, si les athlètes que nous connaissons déjà progressent et si notre travail nous permet d’attirer des nouveaux athlètes. Nous préparons Paris en développant une équipe qui donne envie, et cela se fait dès aujourd’hui. L’engouement des Jeux doit créer des vocations, et c’est à nous de savoir en tirer profit. A Rio, nous avons pris conscience de l’émulation que pouvait créer une médaille. Nous sommes montés d’un cran dans l’envie : les athlètes présents ont vécu des choses magnifiques, et aucun n’a voulu mettre fin à sa carrière après cela. Quant à ceux qui n’y étaient pas, leur engagement est monté d’un cran et n’est pas descendu depuis.

Stéphanie Deanaz : Quand on prépare Tokyo, on prépare Paris. Ils ne seront pas 10 à aller au Japon, c’est tout un collectif que l’on accompagne. Si l’on prend le parcours d’une Nicola Spririg ou d’un Alistair Brownlee, ils ne sont pas arrivés aux Jeux en étant performants de suite. Ils ont quelques saisons et olympiades derrière eux. Chaque athlète ressort grandi de chaque saison et cette logique traverse les olympiades.

Sébastien Poulet : Oui, chaque saison et chaque olympiade s’inscrivent dans une continuité. Côté français, nous avons une densité intéressante en année post-olympiade, avec des jeunes athlètes qui sont un atout considérable quand on raisonne par rapport à l’échelle de 2024. Ce sont eux qui seront les protagonistes à Paris, avec peut-être un ou une junior déjà identifié.e, en cas d’évolution rapide. Contrairement au paratriathlon, nous connaissons déjà les athlètes qui seront concernés par Paris. Nous accompagnons les sportifs et sportives selon une logique de continuité, et une temporalité à court, moyen et long terme. Les Jeux olympiques, c’est tous les 4 ans mais au final, ils représentent beaucoup plus que ça, ils sont l’aboutissement d’un projet qui a commencé bien avant.

Nicolas Becker : Il est entré à la Fédération en 2005 en tant que cadre technique. En tant qu’athlète, il a passé du temps dans les structures fédérales telles que le pôle Auvergne, l’INSEP, le pôle France de Boulouris. A Boulouris, sa mission principale a été d’entraîner les espoirs dans un premier temps. En 2013, il a répondu à l’appel du DTN pour l’EDF de paratriathlon et il a parallèlement continué à entraîner les jeunes du pôle jusqu’en 2015 (parmi eux, Léo Bergère). L’année des Jeux Olympiques et Paralympiques de Rio, il a basculé sur une mission totalement concentrée sur le paratriathlon. Et cette mission lui a été confiée de nouveau pour 4 ans par le nouveau DTN, en vue de la préparation de Tokyo.

Stéphanie Deanaz : Elle est entrée à la Fédération en 2004. Au début, elle était positionnée en tant qu’entraineur sur le pôle de Montpellier. Puis elle a rapidement eu en responsabilité Jessica Harrisson pour la préparation de Pékin 2008. Ensuite, elle est passée responsable des féminines du groupe olympique avec Pierre Houseaux jusqu‘en 2012, période pendant laquelle elle a entraîné Jessica Harrison et Carole Péon. En 2013,  à la demande du DTN, elle a quitté le poste d’entraîneur national pour se concentrer sur le public féminin jeune  et préparer la relève une fois la carrière de Carole et Jessica terminée.  Puis en 2015, elle a repris ses fonctions d’entraîneur national du groupe olympique avec Sébastien Poulet. Elle  a continué à évoluer sur Montpellier où le groupe féminin s’est densifié jusqu’à Rio. Aujourd’hui, elle est entraîneur national du groupe olympique en vue de Tokyo 2020.

Sébastien Poulet : Il a été lui-même sportif au pôle espoirs Auvergne, et est entré à la Fédération en 2007. Il a d’abord été entraîneur au pôle espoir de Nancy, où il a entraîné les jeunes pendant 3 ans. A la fermeture du pôle en 2010, il est venu à Boulouris, où il a poursuivi sa mission jusqu’en 2012. A partir de 2010, il a pris la responsabilité des équipes de France jeunes jusque 2017. A partir de 2015, il a été missionné comme entraîneur national des équipes élites, en binôme avec Stéphanie Deanaz.

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